Guillaume FOUCHAUX

Né en 1981, Guillaume Fouchaux a passé un Bac en Art Appliqué pour ensuite intégré un école d’infographie avant de poursuive dans différentes agences de communication à Paris. À partir de 2004, il intègre l’école Régionale des Beaux Arts de Nantes, où il pratiquera principalement la sculpture et la vidéo.
Boursier dans le cadre de l’aide au projet international de Culturefrance, il a participé à plusieurs expositions collective dont «Double Vision» au Tokyo Wonder Site à Tokyo, puis à Nantes au Lieu Unique, ainsi qu’au projet «Real Presence» à Belgrade et à Venise. Il fait parti du Réseau R_ , réseau des artistes des pays de la Loire.




Quels sont les rapports étroits et ambigus entre le réel et sa représentation?
Comment apparaissent t-ils dans mon travail d'aujourd'hui ?

Mon travail tend à examiner ces relations. Il est constitué de propositions hétérogènes qui, les unes par rapport aux autres, se répondent et créent un espèce d’espace.

Ce travail se caractérise par sa propension à l’appropriation de formes issues de l’espace urbain, de formes appartenant à l’architecture, à la nature, pour définir les conditions d’apparition de ce territoire mental. En jouant avec le paysage et ces ingrédients architecturaux, je propose une imagerie différente et détermine la cohérence de l’ensemble au fur et à mesure de mes différentes réalisations. Une sorte de work in progress qui se construit à travers des angles spécifiques, dans l’espace et le temps.

Dans cette pratique dynamique, les médias que j’utilise sont fluctuants. Passant de la vidéo à la sculpture, du dessin à la photographie, je cherche à rendre visible un territoire constitué d’artefacts indéfinissables, d’objets repensés. Territoire composé de doubles, de copies, de simulacres, de falsification qui pose immanquablement la question de la source, de l’authentique, du vrai.


Juin 2011
Guillaume Fouchaux




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Extrait de l'entretien avec Christiane Cavallin-Carlut :
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Télécharger l'entretien en pdf ici


CCC : Nous avons parlé de ton travail photo et vidéo, mais j’aimerais maintenant que tu nous parles de tout ton travail de sculpture et de peinture. Ton utilisation des mediums s’est beaucoup diversifiée ces deux dernières années…

GF : Il est vrai que d’une manière esthétique et formelle, ces pièces ne sont pas vraiment proches. Mais, d’un point de vue théorique, elles sont justement là pour approfondir des questionnement que je ne pouvais pas développer dans mon travail photo et vidéo. L’espace, le lieu, sont des dimensions de mon travail qui sont très importantes pour moi. Et je ne pouvais pas faire abstraction de la sculpture qui est justement, pour moi, une interaction entre l’objet et le lieu qui l’accueille. C’est donc pour cette raison que j’ai développé ce travail de sculpture. MAL (2008), KIT (2009) et Carquefou (2009), forment une sorte d’association formelle avec ces problématiques spécifiques. L’idée de la sculpture intitulée Carquefou m’est venue lors de mon passage à Domexpo. Elle est inspiré de ces maquettes que l’on trouve chez les constructeurs de pavillons, pour nous donner une image idéale ce que sera cette magnifique cité pavillonnaire. On retrouve la «figure condensatoire de projection» à travers ces maquettes. J’ai donc voulu utiliser la maquette en exagérant le caractère formel identique de tous ces pavillons et les confronter à des objets d’échelles différentes, afin de provoquer une prise de conscience critique vis-à-vis de l’association des éléments qui produisent ce simulacre. J’ai donc fabriqué de petites maisons de bois à l’échelle 1/160 (échelle des maquettes de trains électriques), que j’ai installées sur un plateau en faux parquet. J’ai utilisé, en opposition à l’échelle des maisons, un objet réel, archétype de la standardisation, une lampe Ikea. La pièce est donc constituée d’éléments qui, associés par deux les uns aux autres produisent du sens, mais ces sens sont contrecarrés par l’ajout d’un autre élément qui produirait un nouveau sens, etc... On ne peut pas s’arrêter sur l’un de ces sens en particulier, c’est bien là l’un des intérêts majeurs de ces pièces : le sens «tourne» au fur et à mesure de l’association des éléments, maisons et lampe, lampe et faux plancher, faux plancher et maisons… C’est un effet assez «cinématographique» que l’on retrouve dans pas mal de scénario de thrillers, comme ces indices qui sont mis en place au fur et a mesure d’une intrigue, et détruit pour faire place à d’autres, pour enfin les associer et élucider le mystère. On retrouve cette formule dans les polars ou les films comme les thrillers (ex : Usual suspect, film de Bryan Singer, 2001 ...). C’est d’ailleurs le même principe dans La maison du lac, une sorte de paysage mental qui reprend cette notion de sens «tournant», où l’on ne peut pas s’arrêter sur un sens en particulier : c’est un plateau de bois peint de couleur bleu/gris, placé sur des tréteaux de 50 cm de hauteur, qui nous renvoie à une table.. Comme si elle surgissait de ce plateau, une maison de 50 cm de hauteur, de même couleur que le plateau, nous renvoie, elle, à la maquette. Le tout est surplombé d’une ampoule, 1m environ au dessus de la sculpture, qui éclaire une face du plateau et de la maison. Ainsi, la lecture panneau/tréteaux nous dirige vers la table, la lecture panneau/maison vers la maquette, la lecture table basse/ampoule vers l’espace du salon, mais la lecture maquette/ampoule vers quelque chose de plus… irrationnel. Il est impossible de relier ces sens tous ensembles sans faire surgir la fiction…

CCC : Est-ce qu’on retrouve ce principe de sens «tournant» dans ton travail pictural ?

GF : Oui, il fonctionne de la même manière : sur sans titre (2009), j’ai figuré en fond une cité pavillonnaire rouge. Au premier plan, une femme est accroupie devant une petite maison rouge, une maquette ou un jouet. J’apparente cette peinture aux illustrations que l’on trouve sur les panneaux publicitaires des immeubles en construction, qui représentent les immeubles terminés, avec de jolis arbres et des personnages qui se promènent. C’est vraiment le même principe de projection que les maquettes dont je parlais plus haut : le sens se joue et se déjoue au fur et a mesure de l’association des différents éléments. L’association d’objets (les maisons) dans la même représentation à des échelles différentes nous permettent de nous questionner sur le sens particulier de chaque échelle, et de ne pas s’arrêter sur un sens en particulier, mais tenter de les confronter. Chaque sens est contrecarré par un autre, comme c’est le cas dans la Maison du lac. Je me suis inspiré de ces panneaux publicitaires, j’ai voulu en reprendre l’esthétique : je dirais donc que ces peintures sont plus des «images» que des peintures à proprement parler : elles ne sont pas vraiment le fruit d’une recherche picturale, d’une recherche spécifiquement picturale sur la forme, la matière etc…. Elles constituent une image assez pauvre de ces pavillons, une image pas tout à fait idéale comme ces illustrations dont je m’inspire, mais plutôt une image critique. Une sorte d’écart entre la fascination et l’angoisse qu’on éprouve pour ce genre de lieux.

CCC : Et la pièce qui s’intitule KIT (2009) ?

GF : C’est un peut différent. Elle constitue un point limite entre le décor, la maquette, tout en reprenant la question de la standardisation que j’ai trouvée chez Ikea. J’ai voulu intégrer une certaine esthétique d’Ikea, ou la façon de faire d’Ikea. En effet, l’idée de produire une sculpture en kit qui serait inutilisable après 4 montages et démontages, comme c’est le cas pour les meubles Ikea, m’intéressait dans le fait d’utiliser le même matériau pour en faire une sculpture délibérément fragile : le mélaminé qui est utilisé par Ikea pour ses meubles. J’ai mis à disposition un plan de montage qui reprend ceux des meubles Ikea, pour renforcer cette idée d’une sculpture en kit. Ce travail fait écho à deux artistes, un que j’ai mentionné ci-dessus, Guy Ben Ner avec Treehouse Kit 5 et un autre que je n’ai découvert que très récemment, Joe Scanlan, qui a fait un catalogue (DIY, de «Do it yoursef»), où il propose de transformer un meuble Ikea pour en faire un cercueil grâce à un manuel de montage Ikea. KIT est composée de deux pans de maisons en mélaminé orange, qui renvoient aux pans construits au cinéma ou au théâtre pour les décors inclinés. Ils sont posés sur un socle en mélaminé également imitation faux bois qui renvoie à un plancher. Une poutre en bois tient ensemble les deux pans de maison dans un équilibre idéal (cette poutre est du même gabarit que les poutres utilisées dans le bâtiment pour la construction des maisons). Ces pans de maison sont inclinés pour enlever tout caractère fonctionnel et renforcer la dimension sculpturale de l’ensemble. Je ne voulais pas, vu son échelle, créer d’ambiguïté sur sa fonctionnalité.

CCC : En même temps que cette série de sculptures, tu as réalisé cette année une nouvelle vidéo intitulée Traversée (2009)…

GF : Cette vidéo commence sur un bruit de fond, lourd, que l’on n’arrive pas vraiment à identifier. Puis apparaît une femme, seule, marchant d’une manière un peu mécanique, affectée, sur une ligne tracée au sol, dans un espace en construction, en destruction, un chantier. Puis des sons de balles qui traversent, de bombes qui tombent, de mitraillettes emplissent l’espace. Mais ce personnage continue sa traversée, apparemment indifférente aux sons qui l’entourent. Le seul élément qui l’atteint sont les volutes de fumée qui montent du sol, et qu’elle balaie de la main. Ce personnage semble résister à la réalité de son environnement visuel comme à la fiction qui devient peu à peu évidente du son. Elle est étrangère à tout ce que nous voyons et entendons, juste un mouvement de la main pour éloigner la fumée et laisser passer une voiture. Elle avance simplement d’un point vers un autre. Elle constitue la limite entre la réalité et la fiction.



- Guillaume Fouchaux / artiste plasticien
- Christiane Cavallin-Carlut / artiste / vidéaste / conférencière / enseignante aux beaux arts de nantes






 
© Guillaume Fouchaux
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